Johann G. Louis est un artiste complet. Auteur réalisateur, scénariste, dessinateur et coloriste de bandes dessinées, c’est avec son chat, dans son envoutant appartement-brocante, entouré d’objets, tableaux, tapis et cousins qu’il nous reçoit pour évoquer son processus de création.
Johann G. Louis nous reçoit dans son atelier à l'occasion du #ZOOSweetHome
Bonjour Johan, nous sommes dans votre salon et c’est là que se trouve votre espace de travail. Avez-vous toujours travaillé chez vous ?
Johann G Louis : Oui, j’ai toujours travaillé chez moi parce qu'un atelier ça coûte cher et en fait j'aime bien être chez moi entouré de mes affaires. Et puis je peux bosser à n'importe quelle heure. Je fais trois pas et je suis à mon bureau. Ce n’est pas une bonne raison ça ? (Rires)
On ne vous a jamais proposé de partager un atelier collectif ?
Johann G Louis : Non, mes collègues ne m'ont jamais proposé. C’est vrai que les copains, les camarades avec qui je m'entends bien travaillent pour la plupart chez eux. Et les autres ne m'ont jamais dit « rejoins-nous ». Peut-être qu'ils ont peur de moi (rires).
Est-ce que vous avez besoin d'une ambiance particulière pour vous mettre au travail, pour créer, imaginer ?
Johann G Louis : Ça dépend du moment et de ce que je fais. Si j'écris, je peux mettre un peu de musique pour me mettre dans l'ambiance, mais pas trop fort. Quand je fais de la couleur, c'est plus ludique donc je peux écouter des émissions radio, des podcasts... Pareil pour l'encrage. Mais lorsque je fais mes crayonnés, je fais un peu ma mise en scène, là j'ai besoin d'être concentré donc il n'y a plus de musique, il n'y a plus rien. J’ai la particularité de travailler sans filet. C’est mon éditrice chez Dargaud qui disait ça : « Il est fou, il travaille sans filet ». En effet, je travaille sans storyboard, c'est-à-dire que j'écris mon scénario comme un scénario de film et je fais mon découpage dans ma tête. Parfois, j'ai mes carnets de croquis et je fais une espèce de storyboard hyper gribouillé, en général je fais un peu tout de manière instinctive. J’ai toujours travaillé comme ça.
Et pour ce qui est de la recherche, justement, les croquis, etc., restez-vous chez vous ou sortez-vous ?
Johann G Louis : J'ai des carnets mais je ne me promène jamais avec, je ne dessine jamais dehors. Pour la simple et bonne raison que je n'aime pas dessiner devant les gens. Parce qu'il y en a toujours qui viennent te regarder, voir ce que tu fais, et je n'aime pas ça. Je suis un peu timide, quand même. Je ne sors pas avec mes carnets, mais je travaille beaucoup à partir de photos. J’en collecte énormément.
Vous avez beaucoup de livres autour de vous, beaucoup de documents. Est-ce que, justement, cette recherche, elle se fait dans ces documents-là ou vous utilisez plutôt Internet ?
Johann G Louis : J'utilise beaucoup Internet. Les bouquins autour de toi, c'est beaucoup de romans. J'ai quelques BD mais j’en lis très peu. Les BD que j'ai, c'est parce que j'ai eu un coupde cœur sur le dessin et il y a quelques dessinateurs que je suis. J'adore ce que fait Andréa Serio donc quand il sort une BD, je l'achète. Il y a aussi Camille Jourdy que j'aime beaucoup. Je trouve son dessin très délicat, il se rapproche un peu du mien avec l’aquarelle donc j'aime bien regarder ce qu'elle fait. Sinon, je lis beaucoup de romans. Mes recherches documentaires, c'est principalement Internet. Au moment du scénario, je vais avoir des documents mais sans images. Après, quand je suis sur le travail du dessin, sur les planches, je travaille d'après photos. Avant, je fais beaucoup de croquis, de recherches de personnages ou de décors. Je suis un collectionneur d’images, c'est-à-dire que je travaille comme si je réalisais un film. Je fais des repérages, par exemple, si je veux une maison, je cherche des maisons qui vont se rapprocher de ce que j'ai en tête. Je vais chercher plein, plein, plein d'images, et pareil pour les objets, les accessoires.
Vous imposez-vous un rythme de travail régulier ?
Johann G Louis : Je travaille comme si j'étais au bureau, voire plus ! Quand je travaille sur un projet, je me lève tôt, je commence ma petite journée et je fais tout ce qui est un peu désagréable. Et à 9h, je commence à travailler, parce que le matin est le moment où je suis le plus efficace, où je me sens le plus disposé. Et quand j'ai bien démarré ma journée, que je suis satisfait de mes premiers dessins, je trouve que la journée coule de source. Si je n'ai pas travaillé le matin, je sais que l'après-midi ne va pas être bonne. Je reprends après ma pause déjeuner vers 14h jusqu'à 18h. Et souvent, comme je suis passionné, ça dépasse et ce n'est pas bien. Quand je travaille sur une bande dessinée, je dis à mon éditeur que j'en ai pour tant de mois, et je m’y tiens. Mais ça veut dire que pendant un an, c’est à peu près ce qu’il me faut pour réaliser une BD de 150 ou 160 planches avec le dessin et la colorisation, je suis vraiment à fond et je ne fais que ça.
Avez-vous un rituel pour vous mettre au travail ou ce sont simplement ces horaires qui ponctuent votre journée ?
Johann G Louis : Oui, ce sont ces horaires qui ponctuent ma journée et non, je n'ai pas de rituel particulier. Je ne fais pas d’incantations (Rires), je ne fais rien de tout ça. C'est comme si j'allais travailler, comme n'importe quel travailleur. Mais là, je suis chez moi et que de ma chambre à ma table, il n’y a que quelques pas.
Est-ce que les objets qui sont autour de vous, tableaux, gravures, tapis… participent à vous mettre dans une ambiance de travail ?
Johann G Louis : Complètement, ce qu'il y a chez moi, c'est une extension de ma tête. Ce n'est pas le bazar, disons que c'est très fourni ! Quand les gens viennent chez moi, ils font, « ah oui, d'accord ». J'adore les brocantes et les objets. Ce ne sont pas forcément des objets de valeur, leur valeur c’est moi qui leur donne. Je ne dirais pas que je vis dans un cabinet de curiosité, il n'y a pas d'animaux empaillés, pas de machin comme ça, mais... Il y a cet esprit, au moins. Un esprit très bohème, très hétéroclite, très chargé, très maximaliste. Il y a des tapis, des bouquins, des lampes, des coussins en veux-tu, en voilà !
Avez-vous des objets fétiches ?
Johann G Louis : Non, c'est le tout, en fait. C'est vraiment ma cage, ma bulle, mon endroit. Je n'ai pas d'objets fétiches. J'aime tous mes objets. J'ai du mal à me séparer de mes objets, parce que quand je les ai achetés, trouvés, c'est que je les aimais. Donc, je ne veux pas m'en séparer. Ce n'est pas pour les revendre. Je les achète parce qu’ils me plaisent et que je me dis, que ça va bien aller bien dans mon intérieur. Et c'est vrai que j'ai un peu tendance à accumuler.
Travaillez-vous à l'extérieur, en vacances par exemple ?
Johann G Louis : Lorsque je vais rendre visite à ma mère et que je suis en retard, j’emmène du travail, je me mets dans sa cuisine que je trouve plutôt sympa avec la vue sur le jardin mais le plus souvent, je travaille chez moi. Jamais dans les cafés ou chez les copains. Si je suis invité quelque part en vacances, je me dis, non, je suis avec les copains, je suis en vacances, c'est pour m'amuser et rigoler, pas pour travailler.
Vous avez besoin d'un espace silencieux pour créer ?
Johann G Louis : Alors oui, j'aime bien être seul pour travailler. Je n'aime pas savoir qu'il y a quelqu'un derrière moi. J'aime bien être concentré dans mon univers. Parce que quand je fais ma BD, mes personnages sont hyper vivants, c'est comme s'ils existaient vraiment. Je leur donne vie, ils sont avec moi. Quand je dessine, je peux faire les grimaces que font mes personnages. Parfois, je vais même me regarder dans un miroir pour voir comment ça rend.
En règle générale, vous faites votre encrage puis vous passez à l'aquarelle tout de suite ou vous avancez plutôt sur les planches ?
Johann G Louis : Pour Manouche Manouche, ma dernière BD, j'ai changé de méthode. D’habitude, je faisais mes crayonnés sur la feuille aquarelle. Ensuite, je faisais mon encrage à l'encre et à la plume et après je gommais mon crayon à papier. Et là, pour Manouche Manouche, j’ai fait la couleur juste après. Avant, j'avançais sur toute la BD, c'est-à-dire qu'on avait une BD en noir et blanc avec juste l'encrage et je faisais la couleur pendant deux mois. Je trouvais ça bien et maintenant que j'ai essayé cette méthode-là, de coloriser au fur et à mesure, j'ai l'impression que le résultat est plus immédiat. J'ai l'impression d'avoir déjà la BD devant moi et c'est très satisfaisant.
Utilisez-vous toujours le même matériel ?
Johann G Louis : Toujours, oui. J'ai testé plein de plumes et j'ai découvert une plume japonaise qui sert pour le manga qui est superbe. L'encre, pareil. Le seul point où je suis encore un peu dubitatif, c'est le papier aquarelle. C'est super pour faire de l'aquarelle mais même en utilisant un grain fin, la plume a tendance à moins glisser que sur un papier. Parfois elle accroche et ça peut faire un accident. J'utilise un papier de très grande qualité mais qui reste moins cher que certains autres parce que quand on fait 160 planches, sachant qu'on en rate, c'est un coût non négligeable.
Le porte-plume, les pinceaux, tout ça, ça a une histoire particulière ?
Johann G Louis : Ils n'ont pas d'histoire particulière parce qu’au bout d’un moment les plumes s’usent et je dois les changer. Pareil pour les pinceaux. J'ai du bon matériel mais je ne suis pas fétichiste de mes outils. J'en prends soin, c'est tout.
Nous n'avons pas parlé de votre chat.
Johann G Louis : Mon petit chat, je l'adore. Il s'appelle Miou. Il est trop beau. Lui aussi il participe aussi à sa manière... Quand je travaille, il vient à côté de moi, il me miaule dessus parce qu’il veut un truc ou alors je ne m'occupe pas assez de lui. Parfois, je lui dis : « Écoute, Miou, laisse-moi tranquille, je dois bosser. Qui c'est qui paye les croquettes ici ? »
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